Extrait du discours de son Excellence Edgard Leblanc Fils, à l’Assemblée générale des Nations Unies

Il s’agit d’un extrait significatif de l’allocation de 31 minutes du Président du Conseil présidentiel, Son Excellence Edgard Leblanc Fils à la tribune des Nations Unies, à l’occasion de la 79e session ordinaire de l’Assemblée générale, le jeudi 26 septembre 2024.

Il a rappelé à la communauté internationale que le Général Jean-Jacques Dessalines, Père Fondateur de la Nation haïtienne, par le truchement de la Révolution haïtienne de 1803 ayant mis en déroute les colons Français, a donné aux droits humains leur caractère universel, cessant d’être les droits de l’Homme blanc, grâce au démantèlement de l’ordre colonial et esclavagiste.

Rappelant que l’échec d’Haïti à se relever n’est pas seulement celui d’une Nation, il en a profité pour remercier la communauté internationale pour son appui au rétablissement de la sécurité, sollicitant aussi une réflexion approfondie sur la transformation de la mission multinationale sur place, dirigée par le Kenya, en une mission de maintien de la paix comptant, dans ce cas de figure, sur les contributions obligatoires des Etats membres, pour pallier la nonchalance actuelle des pays dits amis d’Haïti pour le financement de la mission multinationale de sécurité.

Par ailleurs, devant la communauté internationale, il a pris l’engagement de faire organiser des élections libres, crédibles et transparentes, en vue de renouveler le personnel politique en Haïti. Il a aussi abordé les enjeux du changement climatique et a rappelé son impact négatif sur Haïti figurant pourtant parmi les pays les moins pollueurs. Enfin, il a entre autres abordé la question de la fracture numérique en Haïti et de l’empressement d’Haïti de signer l’accord sur la biodiversité marine, car Haïti, comme Etat insulaire, a besoin de protéger ses écosystèmes marins.

79e session ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU, le jeudi 26 septembre 2024.

La justice pénale internationale

I.- Les antécédents de la justice pénale internationale

1.- Les prémices

La justice pénale internationale, à proprement parler, est une réalité relativement récente[1]. Toutefois, l’idée de poursuivre et de juger des individus pour des crimes d’exception, sur le fondement des principes supérieurs d’humanité, a des origines très lointaines. Certains la font même remonter à la période moyenâgeuse. Ainsi, peut-on lire dans les colonnes de l’Encyclopédie Universalis le cas de Conradin Von Hohenstaufen, condamné à mort à Naples, en 1268, par son rival vainqueur, pour déclenchement d’une « guerre injuste ». L’encyclopédie fait aussi état de la sanction infligée au Comte Rosen, relevé de son commandement par Jacques II d’Angleterre, en 1689, pour ses méthodes cruelles employées lors du siège de Londonderry.[2]

Hormis ces cas préhistoriques, la paternité de l’idée d’une justice universelle, évoquée en 1872, est généralement accordée à l’éminent Juriste Suisse Louis Gabriel Gustave Moynier, l’un des pères fondateurs du Comité international de la Croix-Rouge et dont il a assuré la présidence de 1864 à 1910.[3] Cette idée a émergée en réaction à la cruauté des crimes commis pendant la guerre franco-allemande du 18 juillet 1870 au 28 janvier 1871, encore appelée « conflit franco-prussien ». Cette guerre a plongé la France « dans un épisode sanglant et éprouvant », comme le témoignent, sur France Culture, des femmes qui l’ont vécue[4].

Par ailleurs, à l’issue de la Première Guerre mondiale, on a enregistré des tentatives infructueuses pour faire juger Guillaume II, le Roi de Prusse et Empereur d’Allemagne de 1888 à 1918. A tort ou à raison, son nom a été retenu comme celui qui a plongé le monde dans le premier grand conflit armé de l’histoire, faisant échouer toute tentative de désarmement naval. Il a été donc tenu pour responsable, par les vainqueurs, de la tension anglo-allemande[5].

L’article 227 du Traité de Versailles du 28 juin 1919, mettant fin à la Première Guerre mondiale, après la capitulation de l’Allemagne, est sans équivoque sur cette volonté politique des gouvernements des pays alliés de punir Guillaume II :

2.- La première génération : Les Tribunaux militaires internationaux (TMI)

En dépit des prémices sus-évoquées, les premières manifestations concrètes d’une véritable justice pénale internationale commencent après la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec l’institution des deux tribunaux militaires internationaux, en l’occurrence le Tribunal militaire international de Nuremberg, constitué pour juger les principaux dirigeants du régime nazi et le Tribunal militaire de Tokyo pour juger les dirigeants Japonais, responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. C’est la première vague de la justice pénale internationale.

A- Le Tribunal militaire international de Nuremberg

    Le 08 août 1945, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS signent l’Accord de Londres, par lequel les alliés promettent de poursuivre et juger les grands criminels de guerre des pays européens de l’Axe. L’Accord porte Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg.[6] 

    Le procès de Nuremberg, tenu du 20 novembre 1945 au premier octobre 1946, dans le Palais de justice de Nuremberg (Bavière) pour juger les principaux responsables du troisième Reich est un procès historique, au point d’être considéré comme l’acte de naissance de la justice internationale.[7]  

    Selon le Français Roger ERRERA, Conseiller d’État, les innovations apportées par l’Accord de Londres et le procès de Nuremberg constituent une révolution juridique pour une triple raisons[8] :

    A1.- La création d’une juridiction pénale internationale

    « Un juge pénal qui n’est pas un juge national est créé. ». C’est le début de l’internationalisation du droit pénal, la puissance de juger étant jusque-là indissolublement liée à l’État et à sa souveraineté.  

    A2.- La responsabilité des agents publics

    Pour la première fois, des dirigeants au plus haut niveau sont visés et les receveurs d’ordre ne peuvent s’échapper à la justice, sous le prétexte d’avoir simplement obéi à des supérieurs hiérarchiques.

    A3.- La création d’une nouvelle catégorie de crimes : Crimes contre l’humanité

    Les crimes contre l’humanité commis avant la Première Guerre mondiale n’étaient pas retenus.

    Les crimes contre l’humanité n’étaient punissables qu’en liaison avec l’un ou l’autre des autres crimes (chefs d’accusation qui ont été invoqués contre les criminels nazis devant la justice), c’est-à-dire, les crimes contre la paix et les crimes de guerre.

    Seuls deux inculpés ont été condamnés sur le seul fondement de crimes contre l’humanité : Julius Streicher, éditeur antisémite Allemand, condamné à mort le 16 octobre 1946, à l’issue du procès de Nuremberg et Baldur Von Schirach, ancien Chef de la jeunesse hitlérienne, condamné à 20 ans de prison.

    Par ailleurs, ce grand procès a été l’occasion de plusieurs condamnations. Au total :

    • Onze condamnés à mort par pendaison ;
    • Trois à la réclusion criminelle à perpétuité et les autres à des peines de dix à vingt ans de prison. Seulement deux furent acquittés.[9]

    L’importance de ce grand procès historique est aussi prouvée par le fait que, par la Résolution 95 (I), l’Assemblée générale des Nations Unies a invité la Commission de codification du droit international à formuler, dans le cadre d’un Code de droit criminel international, les principes reconnus dans le statut de la Cour de Nuremberg et dans la l’arrêt de cette Cour.[10]

    B- Le Tribunal militaire international de Tokyo

    Le TMI de Tokyo est aussi connu sous le nom de « Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient ». Il est créé le 19 janvier 1946 pour châtier les grands criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale.

    Contrairement au TMI de Nuremberg qui a été créé par un accord international entre les vainqueurs dit Accord de Londres, le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient a été formellement constitué sur ordre du Général Douglas MacArthur, Commandant suprême des puissances alliées au Japon.

    Moins emblématique que le procès de Nuremberg, il a eu pour vocation d’en être l’équivalent en Asie. L’on retiendra, entre autres, la mise hors de cause de l’Empereur Japonais.

    Cette première vague de la justice pénale internationale cristallisée par l’institution de Tribunaux militaires internationaux, constituant le reflet de la justice des vainqueurs, s’est estompée par les méandres de la Guerre froide entre les deux blocs idéologiques de l’Est et de l’Ouest, plongeant le monde dans une bipolarité dont les complexités n’en faisaient pas un terreau fertile pour la poursuite de telles expériences en matière de justice pénale internationale.

    3.- Deuxième génération : Les Tribunaux pénaux internationaux (TPI)

    Il a fallu attendre la fin de la Guerre Froide, au début des années 1990, pour assister à l’émergence d’une nouvelle vague du développement de la justice pénale internationale, marquée par la création de Tribunaux pénaux internationaux (TPI). Leur création a été décidée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

    A- Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

    L’ampleur des atrocités commises en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, au début des années 1990, qui a fait plus de 100 000 morts et 2.2 millions de déplacés, a poussé la communauté internationale à sortir de son mutisme. En 1992, l’ONU a chargé une commission d’experts d’évaluer la situation sur le terrain où des massacres de milliers de civils, la réduction en esclavage, des disparitions forcées, des viols, des destructions de biens et des actes de tortures ont été dénoncés.

    Le rapport de ladite commission, soumis au Secrétaire général, a confirmé, par des preuves, que des atrocités criminelles ont été effectivement commises. Ces conclusions ont conduit le Conseil de Sécurité, le 25 mai 1993, à créer le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), par la Résolution 827, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

    Le TPIY c’est le premier Tribunal international chargé de juger les auteurs de crimes de guerre, depuis les Tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo.  

    Le TPIY a fermé ses portes le 31 décembre 2017, après 24 ans de procédure pénale internationale. L’un des derniers jugements fut celui de l’ancien Chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, surnommé le boucher des Balkans, condamné à perpétuité le 22 novembre 2017, à l’Age de 74 ans.

    En termes d’acquis, pour Joël HUBRECHT, responsable du programme Justice pénale internationale et justice transitionnelle de l’Institut des Hautes études sur la justice : « Le TPIY a rendu des décisions sur l’utilisation du viol comme arme de guerre et en l’intégrant aux crimes contres l’humanité. Cela n’existait pas auparavant. »[11]

    Le TPIY aura condamné 90 responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Il a procédé à 161 inculpations. Il a auditionné 4 650 témoins. Il a tenu 10 800 jours de procès.[12]

    Pour Pierre HAZAN, Professeur à l’Université de Neuchâtel : « Son impact majeur fut de contribuer à judiciariser les relations internationales… quoique les débats sur le bien-fondé de la justice internationale en temps de guerre restent vifs»[13].

    De plus, la jurisprudence développée par le TPIY est particulièrement riche sur les actes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.  

    Faits inoubliables :

    • L’auto empoisonnement spectaculaire, en salle d’audience, le 29 novembre 2017, de l’ex-officier Croate, Slobodan Praljak, qui a écopé d’une peine de 20 ans de prison.
    • L’ancien Président Slobodan Milosevic qui n’a pas été condamné avant sa mort, pendant la cinquième année de son procès.  

    B- Tribunal pénal international pour le Rwanda

    En 1994, en un temps relativement court, des scènes de carnage, à une échelle épouvantable et inédite dans l’histoire de l’humanité, ont eu lieu, à la suite de l’avion qui a été abattu à Kigali, le 6 avril 1994, à bord duquel se trouvaient le Président du Rwanda et celui du Burundi. Entre 800 000 et 1 000 000 d’hommes, de femmes et d’enfants ont été massacrés.[14]

    Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été créé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies par la Résolution 955 (1994), adoptée le 8 novembre 1994, saluant, au passage dans ladite résolution, le travail accompli par la commission d’experts dans son rapport sur les violations du droit international humanitaire au Rwanda. Son siège a été établi à Arusha (Tanzanie), par la Résolution 977 (1995).

    Le TPIR a été le premier tribunal international à rendre des jugements contres des personnes présumées responsables de génocide. C’est aussi la première institution à reconnaitre le viol comme un moyen de perpétrer le génocide.[15]

    Selon des données disponibles sur le site héritage du Tribunal pénal international pour le Rwanda[16] :

    • 93 personnes ont été mises en accusation par le TPIR ;
    • 62 personnes condamnées ;
    • 10 personnes renvoyées devant les juridictions nationales ;
    • 3 fugitifs renvoyés devant le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux (MTPI) ;
    • 2 personnes décédées avant jugement ;
    • 2 actes d’accusation retirés avant le procès.

    II.- Les mécanismes actuels de la justice pénale internationale :  La CPI et les juridictions mixtes

    Après la première génération et la deuxième génération de la justice pénale internationale caractérisées par l’institution des tribunaux internationaux ad hoc, à la suite de la Deuxième Guerre mondiale et la « fin » de la Guerre froide dans les années 1990, une nouvelle génération a vu le jour avec l’institution d’une juridiction pénale internationale permanente, en l’occurrence, la Cour pénale internationale (CPI). Dans la foulée, des juridictions mixtes, dites tribunaux hybrides sont en développement parallèle à la juridiction permanente, pour prendre en charge des cas d’une certaine particularité. Mais la règle reste et demeure la juridiction permanente (CPI), l’exception étant les juridictions mixtes. La troisième (3e) génération de la justice pénale internationale constitue les mécanismes actuels de cette dernière.

    1.- La création de la Cour pénale internationale (CPI)

    La CPI est créée par le Statut de Rome du 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002. Aujourd’hui, 124 pays sont États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.17

    Le dernier pays en date ayant rejoint la CPI est l’Arménie, un Etat d’Europe de l’Est (14 novembre 2023)

    • 33 sont des États d’Afrique ;
    • 19 sont des États d’Asie et du Pacifique ;
    • 19 sont des États d’Europe orientale ;
    • 28 sont des États d’Amérique Latine et des Caraïbes ;
    • 25 sont des États d’Europe occidentale et autres États.

    La création de la CPI est l’aboutissement d’un long processus, comme le témoignent les sections précédentes. Les efforts de Gustave Moynier, depuis le 19e siècle, la volonté des vainqueurs de Versailles (1919) et les travaux incessants de la Commission du droit international, entre autres, sont des piliers importants ayant conduit, in fine, à la création de cette juridiction pénale internationale permanente.

    La CPI a le mérite de faire peser personnellement sur les auteurs de crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide et des crimes d’agression, le risque permanent de comparaitre un jour ou l’autre devant une juridiction pénale internationale pour répondre de leurs atrocités et ainsi contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, constituant des violations massives des droits de l’Homme et du DIH, et révoltant la conscience de l’humanité et la morale internationale.

    La CPI a la personnalité juridique internationale. Elle se rattache à une culture judiciaire mixte, entre la Common Law et le droit civiliste. C’est ce que Raphaëlle Nollez-Goldbach, chargée de recherche au CNRS, appelle « le style judiciaire métissé de la Cour pénale internationale ».47F[18]

    2.- La compétence de la Cour pénale internationale

    A- La compétence ratione materiæ

    En vertu de l’article 5 du Statut de Rome, la CPI est compétente en matière de :
    – Crime de génocide ;
    – Crime contre l’humanité ;
    – Crimes de guerre ;
    – Crimes d’agression (compétence activée depuis le 17 juillet 2018 sur ce crime, pour faire suite à la Conférence de Kampala).

    B- La compétence ratione personæ

    • La CPI est compétente à l’égard des personnes, non des États (responsabilité pénale individuele). Art. 25, Statut de Rome
    • La CPI peut juger les ressortissants d’un État Partie au Statut de Rome ou toute personne ayant commis un crime sur le territoire d’un État Partie au Statut de Rome ;
    • Toutefois, la CPI ne peut pas poursuivre des personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment où le crime reproché aurait été commis (art. 26, Statut de Rome) ;
    • Aucune forme d’immunité ne peut être invoquée devant la Cour. La qualité de Chef d’État, de membre d’un Gouvernement ou d’un Parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État n’exonère point une personne de poursuites ou de sa responsabilité pénale. C’est la règle du défaut de pertinence de la qualité officielle (art. 27, Statut de Rome);
    • Les supérieurs hiérarchiques et les chefs militaires peuvent être tenus responsables de crimes commis par des personnes placées sous leur commandement et leur contrôle effectifs (art. 28, Statut de Rome);
    • En règle générale, un crime international grave commis sur ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale. Donc l’exécution d’un ordre hiérarchique n’est pas une excuse pour échapper à sa responsabilité pénale internationale (art. 34, Statut de Rome).

    C- La compétence ratione temporis

    Selon l’article 11 du Statut de Rome :

    3.- Les modes de saisine de la CPI

    En vertu des articles 13 et suivants du Statut de Rome, la CPI peut être saisie :

    • Par un État Partie au Statut de Rome. Il va déférer au Procureur de la Cour une situation dans laquelle un ou des crime (s) relevant de la compétence de la CPI auraient été commis, en indiquant les circonstances de l’affaire et des éléments d’indices. ;
    • Par le Conseil de Sécurité des Nations Unies qui peut aussi déférer une situation au Procureur, sur le fondement du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies53F[19] ;
    • Le Procureur à la suite d’une enquête proprio motu (de sa propre initiative), sur le fondement d’informations documentées et de sources dignes de confiance, en vertu de l’article 15 du Statut de Rome, moyennant la demande de l’autorisation préalable d’une chambre préliminaire, composée de 3 juges54F[20] ;
    • Un État non-Partie au Statut, en faisant une déclaration ad hoc d’acceptation de la compétence de la Cour.55F[21]

    4.- La CPI et le principe de complémentarité

    L’autorité de punir n’échappe pas à la souveraineté des États avec la création de la CPI. Cette dernière n’est que complémentaire aux juridictions nationales.56F[22] Il convient de dire que la CPI obéit au principe de complémentarité.57F[23] La CPI ne pourra donc enquêter ou poursuivre que si les autorités nationales n’ont pas la volonté ou la capacité de la faire.58F[24] Par voie de conséquence, l’obligation juridique de poursuivre et de punir les responsables des crimes internationaux susmentionnés pèse d’abord sur les États. La compétence de la CPI n’est que subsidiaire.

    L’article 17 du Statut de Rome explique comment déterminer l’incapacité ou le manque de volonté d’un État dans un cas d’espèce.

    Selon Sylvie KOLLER[25] : « Le mécanisme de complémentarité implique également l’obligation pour les États, notamment les États-Parties, de coopérer avec la Cour. Cette obligation est étendue au sens large et concerne les enquêtes, la recherche et la présentation de preuves, l’audition des témoins, l’interrogatoire des suspects, l’arrestation des criminels mis en cause, leur détention préventive, leur transfert devant la CPI, la saisie de leurs biens avant ou après le jugement. »

    5.- La compétence universelle : volontarisme politique décomplexé

    Ce principe de droit pénal international permet de poursuivre les crimes les plus graves indépendamment du lieu du crime (ratione loci) et de la nationalité de la victime ou de l’accusé.

    D’après Amnesty international[26]

    En effet, le principe de la compétence universelle voudrait que ceux qui commettent les pires crimes ne puissent plus se mettre à l’abri, peu importe l’endroit où ils se trouvent. Il faut soit les extrader, soit les juger.

    De fait, de plus en plus d’États adaptent leur législation, aux fins de prévoir l’application de la compétence universelle aux crimes les plus graves. Il s’agit, à la limite, d’un « devoir moral » de lutter contre l’impunité.

    6.- Les juridictions pénales mixtes : un métissage à géométrie variable

    Après les deux premières vagues de la justice pénale internationale, consacrées par les tribunaux militaires internationaux (Nuremberg et Tokyo) et les tribunaux pénaux spéciaux (TPIY et TPIR) dits tribunaux de première génération et de deuxième génération, qui sont en réalité des tribunaux ad hoc, la CPI, juridiction permanente, commençait à être mise en place.

    En revanche, quasi-parallèlement, une nouvelle catégorie non monolithique de tribunaux appelés généralement « juridictions pénales mixtes »61F[27] ou « tribunaux hybrides », émerge, même si parfois ils peuvent couvrir des réalités peu ou prou différentes, en raison de leur degré d’internationalisation. Certains parlent aussi de « justice internationale de proximité ».62F[28]

    Les juridictions mixtes mélangent en effet juges nationaux et internationaux. Plusieurs expériences judiciaires similaires ont été menées dans le monde. Elles se veulent transitoires, car la vocation de ces tribunaux est temporaire. Parmi ces juridictions pénales mixtes, on peut citer :

    A- Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)

    Créé par l’Accord signé entre le Gouvernement de la Sierra Leone et les Nations Unies, le 16 janvier 2002. Elle n’était pas dotée d’une compétence exclusive, mais exerçait sa compétence concurremment avec les juridictions sierra-léonaises. Le 11 août 2010, un nouvel accord a vu le jour sur l’établissement d’un Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone. Cet accord a été ratifié par le Parlement en février 2012.

    B- Les chambres spéciales des tribunaux de district de Dili (Timor oriental)

    Le 25 octobre 1999, le Conseil de Sécurité des Nations Unies instituait, par la Résolution (1272), l’Administration transitoire des Nations-Unies au Timor oriental (ATNUTO) qui établit, par un règlement du 6 mars 2000, un système judiciaire compétent pour connaitre du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

    C- Les chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens

    La loi du 10 août 2001 a instauré un tribunal spécial mixte avec la participation de juges internationaux pour juger les anciens chefs Khmers rouges. Cette loi créait les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens pour juger les auteurs du génocide cambodgien entre 1975 et 1979.

    D- Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL)

    Le Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptait le 30 mai 2007 la Résolution 1757 (2007) qui instituait le TSL, chargé d’enquêter sur l’attentat du 14 février 2005 ayant provoqué la mort de 22 personnes dont le Premier Ministre du Liban, Rafic HARIRI. Ce fut le premier tribunal international chargé de rendre justice aux victimes de crimes de terrorisme.

    E- Les chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises

    Les chambres africaines extraordinaires ont été inaugurées le 8 février 2013 à Dakar, en vertu de l’Accord du 22 août 2012. Elles ont jugé, entre autres, l’ancien Président du Tchad Hissène HABRÉ, condamné à la prison à la perpétuité, en appel, en 2017 et mort en prison en 2021. 

    Notes et références


    [1] Michel MASSÉ. “De Nuremberg à la Haye. Le droit international pénal », conférence présentée le 6 mai 2019, à l’Institut Pierre Werner à Luxembourg. Lien d’accès disponible sur Youtube : https://youtu.be/SXKD8H0BinA, page consultée le 1er avril 2022.

    [2]Encyclopédie universalis. « La lente émergence d’une justice pénale internationale ». COUR PÉNALE INTERNATIONALE, La lente émergence d’une justice pénale internationale – Encyclopædia Universalis, page consultée le 1er avril 2022.

    [3] Comité international de la Croix-Rouge. « Gustave Moynier et les sociétés de la paix », Gustave Moynier et les sociétés de la Paix – CICR (icrc.org), page consultée le 1er avril 2022).

    [4] France Culture. “On entendait les cris des blessés » : Elles racontent la guerre franco-prusienne de 1870, https://youtu.be/rk6OhKNu8Lg, page consultée le 3 avril 2022.

    [5] Son procès n’a pourtant jamais eu lieu. Il s’était réfugié en Hollande dont le Gouvernement d’alors ne voulait pas l’extrader, pour être traduit devant un tribunal international, malgré l’insistance assourdissante des Alliés qui le considéraient comme un criminel de guerre. Guillaume II – LAROUSSE, page consultée le 3 avril 2022.

    [6] Stéphanie MAUPAS. « Juges, Bourreaux, victimes – Voyage dans les prétoires de la justice internationale », Autrement, Collection frontières, p. 185.

    [7] Roger ERRERA. Le procès de Nuremberg : un évènement fondateur (1945-1996), Revue d’histoire de la Shoah, 1996/2, No 160, p. 31

    [8] Roger ERRERA. Ibidem

    [9] François CLEMENCEAU. « Qu’est-ce que le procès de Nuremberg ? », Le Journal du dimanche, Qu’est-ce que le procès de Nuremberg? (lejdd.fr), page consultée le 10 avril 2022. Puis, au moment de la dénazification en Allemagne, près de 800 autres condamnés à mort à l’occasion des autres grands procès organisés pour juger les complices des crimes perpétrés (François CLEMENCEAU, idem).

    [10] Voir les « principes du droit international consacrés par le Statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce Tribunal », texte adopté par la Commission à sa deuxième session, en 1950 et soumis à l’Assemblée générale. PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL CONSACRÉS PAR LE STATUT DU TRIBUNAL DE NUREMBERG ET DANS LE JUGEMENT DE CE TRIBUNAL, page consultée le 5 avril 2022.

    [11] Lors d’une interview exclusive accordée à TV5 Monde, le 22 novembre 2017, sur le bilan du TPIY, Justice : quel bilan pour le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ? (tv5monde.com), page consultée le 10 avril 2022.

    [12] Nations-Unies. Site héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, « Le TPIY en chiffres », https://www.icty.org/fr/content/infographie-le-tpiy-en-chiffres,  page consultée le 12 avril 2022.

    [13] Pierre HAZAN. Comment le TPIY a changé notre monde, Comment le TPIY a changé notre monde – JusticeInfo.net, page consultée le 17 mars 2022.

    [14] Site héritage du TPIR, https://unictr.irmct.org/fr/le-g%C3%A9nocide, page consultée le 12 avril 2022.

    [15] Idem, https://unictr.irmct.org/fr/tribunal, page consultée le 14 avril 2022.

    [16] Le tribunal en bref, https://unictr.irmct.org/fr/tribunal, page consultée le 12 avril 2022.

    1. [17] Site officiel de la CPI, États Parties – Liste chronologique | International Criminal Court (icc-cpi.int), page consultée le 22 septembre 2024. ↩︎

    [18] Raphaëlle NOLLEZ-GOLDBACH. « Le style métissé de la Cour pénale internationale », Éditions juridiques associées, « Droit et société », 2015/3, No 91, p. 521.

    [19] Le 26 février 2011, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a saisi le Procureur de la CPI de la situation en Libye depuis le 15 février 2011.

    [20] Le 27 janvier 2016, la Chambre préliminaire de la CPI a autorisé la Procureure à ouvrir une enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Ossétie du Sud (Géorgie) et ses alentours, entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008. Le Procureur avait déjà ouvert une enquête de sa propre initiative au Kenya (2010) et en Côte d’Ivoire (2011).

    [21] En 2016, Ukraine a modifié sa Constitution pour reconnaitre la compétence de la CPI. Le 8 septembre 2015, le Greffier de la CPI a reçu une déclaration déposée par l’Ukraine acceptant la compétence de la CPI pour des crimes qui auraient été commis sur son territoire à partir du 20 février 2014.

    [22] Paragraphe 10 du Préambule du Statut de Rome ; les arts 1, 15, 17, 18 et 19.

    [23] En 2011, par exemple, Cote d’Ivoire a organisé une cour d’assise pour juger Simone BAGBO qu’elle estimait pouvoir juger et la CPI a jugé les autres personnes visées.

    [24] Art. 17, Statut de Rome.

    [25] Elle est Maitre de conférences à l’Université Rennes 2, Haute-Bretagne, « La Cour pénale internationale – ses ambitions, ses faiblesses, nos espérances », S.E.R. | « Etudes », 2003 /1, Tome 398, p. 33.

    [26] https://www.amnesty.fr/focus/competence-universelle#:~:text=La%20comp%C3%A9tence%20universelle%20signifie%20que,la%20victime%20de%20l’infraction, page consultée le 10 avril 2022.

    [27] Mathieu JACQUELIN. « Juridictions pénales mixtes », Revue de science criminelle et de droit comparé, Dalloz, 2018/1, No 1, p. 229.

    [28] Yann KERBRAT. « Juridictions internationales et juridictions nationales internationalisées : les tribunaux hybrides pour le Cambodge et la Sierra Leone », in Paul TAVERNIER (dir.), « Actualité de la jurisprudence pénale internationale », colloque d’Evry, 24 octobre 2003, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 263.

    [29] (Peine d’emprisonnement): TSSL, Trial Chamber II, Sentencing Judgement, 30 mai 2012, No SCSL-03-01-T-1285, Prosecutor against Charles Ghankay Taylor.

    (Décision en appel): TSSL, Appeals Chamber, Arrêt, 26 septembre 2013, No SCSL-03-01-A-1389, Prosecutor against Charles Ghankay Taylor.

    Discours de démission du Président à vie Jean-Claude Duvalier

    Credits Photo: Jean-Claude Duvalier in 1975. Photograph: Bettmann/Corbis (The Guardian)
    Source de l’audio : The Radio Haiti Archives, Duke University  

    Le discours du Lieutenant-Général Henri Namphy, proclamant le CNG, le 7 février 1986

    Haitian President General Henri Namphy Attends the UN General Assembly (Photo by Rick Maiman/Sygma via Getty Images)

    Le discours du Lieutenant-Général Henri Namphy, proclamant le Conseil National de Gouvernement (CNG), le 7 février 1986. Le CNG est une instance collégiale ayant assumé les rênes du pouvoir en Haïti, à la suite de la démission et du départ pour l’exil du Président à vie Jean-Claude Duvalier surnommé Baby Doc.

    Composition du CNG: Lieutenant-Général Henri Namphy (Président), Colonel Williams Régala, Colonel Max Vallès, Ingénieur Alix Cinéas, Me. Gérard Gourgue (membres), Colonel Prosper Avril (Conseiller)

    Source de l’audio : The Radio Haiti Archives, Duke University  

    Discours d’investiture du Président Haïtien Jean Bertrand Aristide, le 7 février 1991

    Haitian presidential candidate Father Jean-Bertrand Aristide (centre) casts one of his ballots 16 December 1990 in Port-au-Prince during Haiti’s presidential elections. Credits Photo: JEROME DELAY/AFP via Getty Images)

    Le 7 février 1991, le Prêtre Jean-Bertrand Aristide délivre son discours d’investiture au Palais national, à la suite de son élection le 16 décembre 1990.  

    Ce fut l’une des rares élections non contestées en Haïti. Président Aristide est souvent considéré comme le premier Président démocratiquement élu sous l’égide de la Constitution du 29 mars 1987, car d’aucuns considèrent que l’élection de janvier 1988 ayant porté le Professeur Leslie François Manigat au pouvoir comme une élection sinon truquée par les Forces Armées d’Haïti (FAd’H), du moins accusant une trop faible participation populaire, car boycottée par les principaux partis et candidats, en raison des massacres enregistrés lors des élections de novembre 1987, premières élections organisées après le départ de Jean-Claude Duvalier en février 1986..   

    Temps forts du discours et/ou phrases historiquement retenues  

    • Le nouveau Président considère le jour de son investiture comme aussi le jour du mariage d’amour entre les Forces Armées d’Haïti (FAd’H) et le Peuple Haïtien. Il dit vouloir faire des FAd’H une armée professionnelle.  
    • Il dit aimer les enfants et être fou de la jeunesse. 
    • « Wòch nan dlo pral konn doulè wòch nan solèy »   
    • “Yon sèl dwèt pa manje kalalou” (proverbe Haïtien)  
    • “Yon sèl nou fèb, ansanm nou fò, ansanm ansanm nou se lavalas » 
    • Le Président dit publiquement n’avoir pas besoin de l’indemnité présidentielle de 50 000 GDES/mois. Trop d’argent pour le Président d’un pays pauvre.  
    • Le nouveau Président fait aussi des annonces de promesses d’aide d’organisations internationales et/ou de pays étrangers.   
    Discours prononcé le 7 février 1991, au Palais national par-devant une foule immense

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